Patrimoine culturel : le chapeau de Saponé, d’un symbole d’humiliation à une identité culturelle
Saponé est une commune de la province du Bazèga, région du centre-sud. Il est situé au sud-ouest, à une trentaine de kilomètres de la capitale Ouagadougou. Cette commune est connue par le savoir-faire de ses artisans qui est le tissage de chapeaux, objets d’art qui font la fierté de la culture burkinabè à l’échelle nationale et internationale.
Symbole
de pardon, de paix, de tolérance, d'amitié et de cohésion sociale, le chapeau
de saponé est une figure emblématique qui trouve ses origines du XIVe siècle.
Jusqu’aujourd’hui, il fait la fierté de l’artisanat burkinabè et de tous les
artisans de Saponé.
Tresser
avec de la paille et décorer de cuir, la fabrication de cette œuvre d’art est transmise
de génération en génération. Le tissage des chapeaux est laissé aux femmes, et
les hommes s’occupent de fournir la matière première qui est le raphia sudanica
(famille des palmiers), ramenée de la frontière avec le Ghana.
Des femmes confectionnant des
chapeaux
Cette
œuvre est connue dans le monde, mais son histoire, qui découle d’une
humiliation demeure très peu connue. Le mardi 12 avril 2022, Maître Pacéré Titinga,
Roi de Manéga, est revenu, au cours d’une conférence de presse, sur l’origine
de ce mythique chapeau de Saponé. Selon lui, l’origine du chapeau remonte au
XIVe siècle, époque à laquelle, le Mogho, était une juxtaposition de plusieurs
royaumes et avec l’intronisation entre 1358 – 1401 du 9e empereur des mossis,
Kouda, fils du 8e Mogho Naaba Koudoumié. À l’origine du chapeau, Ouagadougou
n’existait pas. Il s’appelait sous Naaba Zombré, Koubemtenga ou la terre de
Koubemba, l’ancêtre de la guerre. C’était uniquement un village de Ninissin,
avant l’arrivée des mossis au 12e siècle.
Le
Mogho Naaba n’avait pas de capitale, il se déplaçait de contrée en contrée. Selon
la légende, à la mort du 7e Mogho à savoir Naaba Nasbiré, Yadéga le prince
héritier, était introuvable. À son absence, Koudoumié son petit frère a été
intronisé roi. C’est ainsi que Koudoumié est devenu le 8e Mogho Naaba.
Craignant ainsi la vengeance de son aîné Yadéga, qui se trouvait à Gourcy
(origine du royaume du Yatenga), Koudoumié s’est réfugié avec ses hommes sur le
côté Est du fleuve Mouhoun, non loin de la ville de Boromo. Dans le cadre de la
pacification de son royaume, il envoya ses fils, à Kayo (Kayoro), une ville
Gourounsi, à Konguiss, à Yako, à Mané et à Boussouma. Cette répartition était
une sorte de paravent ou de parapluie pour le roi afin de protéger son royaume.
À sa
mort, le prince héritier Kouda n’étant pas sur place, des missionnaires sont
envoyés à sa recherche. Maître Pacéré a relevé qu’avant leur départ, les
notables ont donné des consignes : « Y sa
yan, birigna, sà-n-poné », qui signifie en langue nationale mooré, « Si vous le voyez, prenez-le, et rasez-le ».
Après des recherches, le prince héritier a été retrouvé dans une brousse à
environ 25 km de l’actuelle Ouagadougou. À sa vue, il a été jeté par terre. Sa
tête a été complètement rasée, et ce, conformément aux consignes de départ. Ce
dernier qui se trouvait très beau, s’est miré dans une mare. Là, il a constaté
qu’il est devenu très laid avec un crâne rasé. Et pour cacher sa laideur, il a
couru dans la brousse, et a aperçu un marigot. Au bord de ce point d’eau, il y
avait des roseaux, appelé « Kansé », en langue nationale mooré. Le prince s’est
servi de quelques roseaux qu’il a attachés au 4/5 avec une ouverture en bas. Il
s’est donc caché le visage avec le chapeau pour ne pas être reconnu. La
localité où, il résidait a été appelée Saponé qui vient de la consigne «
Saa-n-ponè », « Parcourez et rasez ».
La singularité
du chapeau de Saponé est qu’au départ, il était vu comme une humiliation, pour
le Mogho Naaba Kouda. Mais, avec le temps, outre sa beauté, son rôle utilitaire
de protection contre le soleil a été perçu.
Le chapeau de Saponé
En
rappel, les chapeaux de Saponé sont désormais un label « fabriqué
au Burkina Faso » et également enregistré en indication
géographique protégée par l’Organisation africaine de la propriété
intellectuelle (OAPI).
Sadongo Laéticia
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